Vous avez une alarme interne qui clignote parce que notre civilisation va peut-être trop loin dans ses recherches dans le domaine de la conscience artificielle? Vous n’êtes pas seul. Philippe Porée-Kurrer illustre ce questionnement dans son livre « Les gardiens de l’onirisphère : la révélation de Stockholm ».
«L’intelligence artificielle, c’est comme l’industrie nucléaire, on peut faire le pire ou le meilleur», disait l’auteur lorsque je l’ai rencontré au Salon du Livre de Montréal. Lorsqu’on prend du recul face à notre évolution technologique, on ne peut qu’être d’accord avec lui. L’être humain rêve depuis si longtemps d’avoir une machine qui comblerait ses limitations! Devenus aujourd’hui réalité, les chercheurs travaillent maintenant à en décupler la puissance en lui donnant une conscience. Cet hypothétique pouvoir fait peur.
Vous me direz que Porée-Kurrer n’est pas le premier à en parler. Vous avez raison. Là où il se distingue de ces prédécesseurs, c’est qu’il nous mène sur un sentier qui n’était pas accessible il y a cinquante ans. Isaac Asimov (1) a défini la machine qui assisterait l’homme, Orwell (2) a répandu l’idée d’une machine contrôlant l’humanité, mais Porée-Kurrer lui donne une «âme».
« Il existe dans l’onirisphère une balance entre le positif et le négatif, lui explique Gudrun. Une personne mal intentionnée qui parviendrait à en prendre le contrôle pourrait détruire cet équilibre et parvenir à ce que tout devienne cauchemar. Il est arrivé des épidémies de haine entraînées par des crues de cauchemars, que l’on pense au IIIe Reich, au régime khmer ou à l’enfer rwandais, mais pouvez-vous imaginer ce que deviendrait le monde si tous les rêves n’étaient plus à jamais que des cauchemars?» extrait du livre «Les gardiens de l’onirisphère: la révélation de Stockholm»
Cette série de sept livres commence en douceur. Selma, fille de l’inventeur de la conscience artificielle, nous amène à découvrir un univers mis en danger par la soif de contrôle de personnes aux intentions malhonnêtes. Bien qu’attachante, l’auteur accorde malheureusement beaucoup de place aux réflexions de la jeune fille. Le lecteur avide d’action trouvera donc ces passages un peu longs. Néanmoins, cette observation nous amène à réfléchir sur notre mode de vie. Avec les technologies rapides que nous connaissons (internet très haute vitesse, Facebook, Twitter, etc.), n’avons-nous pas un peu trop l’habitude de «zapper»? Toujours plus vite. Tu es fatigué? Ce n’est pas grave! «Red Bull donne des ailes»!
En plus de nous pousser toujours plus loin, les nouvelles technologies amènent un questionnement que l’auteur souligne avec brio. L’internet, les téléphones intelligents, les services numériques sans fil, les compteurs intelligents; tous ces appareils sont l’équivalent de portes sur notre intimité. Et ils sont partout! C’est d’ailleurs là que progressera Vara et Ygg, les deux parties de la conscience artificielle implantée par le père de Selma. Vara est cette «âme» artificielle bienveillante qui assiste Selma dans sa quête pour comprendre ce qui est arrivé à son père. En contrepartie, Ygg sera au service de la famille Chaco qui tente de contrôler la planète pour l’amener vers une incontestable destruction. Même si les intentions de ces adversaires sont claires, leur origine est nébuleuse. Un peu plus de détails auraient contribué à leur donner plus de couleur. Peut-être l’auteur s’est-il gardé ces informations pour la suite qui sortira au printemps 2014? Quoi qu’il en soit, nous en connaissons assez pour ne pas avoir envie de voir de tels personnages se concrétiser dans notre société actuelle.
À travers la course des Chaco pour nuire à Selma, les occasions sont nombreuses pour les que l’histoire prenne un tournant dramatiquement agréable. Encore une fois, le lecteur «hyperactif» restera un peu sur sa faim. Néanmoins, pour une fois, les représentants du «côté obscur de la force» (3) sont assez intelligents pour bien planifier leurs assauts ou retraiter lorsque la soupe devient trop chaude. Du côté lumineux, les personnages sont aussi attachants qu’étoffés. Tour de force de l’auteur, il ne tombe pas trop dans les clichés redondants de «la gentille petite fille qui est obéissante». Que ce soit avec Selma ou Lúzangela, les personnages féminins sont déterminés, courageux et réfléchis. Un baume pour le lectorat qui ne considère pas faire partie du «sexe faible».
Véritablement passionné par la navigation maritime, l’auteur nous fait voyager. Que ce soit à Dubaï, au Mexique, en France (lieu de naissance de l’auteur), au Canada ou en Islande, les paysages sont assez bien décrits pour que nous puissions nous repérer. C’était d’ailleurs un souci de l’auteur. Il tenait à ce que les informations contenues dans le récit soient fondées et vérifiables. À ce niveau, mission accomplie! Peut-être un peu trop pour les amateurs d’évasion dans l’imaginaire. Toutefois, le réalisme illustré dans les pages de ce roman permet aux lecteurs de s’identifier plus facilement. C’est un choix qui se respecte.
Bref, même s’il n’a pas le rythme d’un livre de science-fiction conventionnel, ce livre devrait se retrouver dans tous les foyers «geeks». Ne serait-ce que pour voir où pourraient nous mener les dangers d’une évolution technologique débridée. D’ailleurs, quelles preuves avez-vous que nous ne sommes pas en train de vous épier présentement?
Résumé : Magnus Solberg a créé une conscience artificielle. Sa fille, Selma, croit toutefois qu’il y a un lien entre cette découverte et la disparition soudaine de son père. Déjà orpheline de mère, la jeune Française, désormais seule au monde, décide de gagner la Suède, la terre de ses ancêtres paternels, sur le voilier familial. Or, les commanditaires de l’œuvre de Solberg utilisent déjà cette conscience artificielle, mais il leur manque une information capitale pour réaliser leur rêve de domination. De là leur poursuite de Selma qui, croient-ils, possède la clé de leurs désirs.
Titre : Les gardiens de l’onirisphère – Tome 1 : La révélation de Stockholm
Auteur : Philippe Porée-Kurrer
Genre : Science-fiction
Éditeur : JCL
Date de parution : Septembre 2013
(1) Isaac Asimov est surtout connu pour ses œuvres de science-fiction et ses livres de vulgarisation scientifique. Il a créée les trois lois de la robotique : Les Robots, Isaac Asimov, Éditions J’ai lu, traduction de C.L.A., 1967.
(2) George Orwell a publié en 1949, un livre de science-fiction appelé 1984. La figure principale du roman est Big Brother chef du « Parti ». Il est le grand surveillant, omniprésent dans l’entièreté de l’univers du livre. Aujourd’hui, on y fait souvent référence en parlant des institutions qui briment les libertés fondamentales et la vie privée.
(3) Le côté obscur de la force symbolise le mal dans la saga «Star Wars» de Georges Lucas.
Tu connais bien tes classiques Martine!!
J’y travaille! 😉